Articles dans 'Société, culture,'

Séminaire à Séville (2). Survol

2 comments 8 mai 2006

Séminaire international “La société de l’information dans la coopération au développement : un nouveau défi pour les bibliothèques et leurs professionnels”. Séville, 4 et 5 mai 2006.

 Lieu du séminaire. M. Peter. J. Lor, IFLA. Par Benide

Difficile de résumer un événement aussi riche. Nous ferons donc un survol de ces deux jours, en nous arrêtant sur certains des discours et concepts qui nous ont le plus interpellés.

D’abord les participants : outre des personnalités de la culture et l’aide au développement d’Espagne et Andalousie, voici certains des invité(e)s au Séminaire : Peter Johan Lor, Sécrétaire Général de l’IFLA, Sohair Wastawy, directrice de la bibliothèque d’Alexandrie, Luis Rodriguez Moreno, directeur général de la Fondation “Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes”, Olivier Chourrot, de la BPI de France, Gloria Bonder, directrice de la section “Genre, Société et Politiques” à la Faculté Latinoamericaine des Sciences Sociales, Axel Plathe, programmeur senior, division “Société de l’information” à l’UNESCO et ex-coordinateur du programme de restauration de la bibliothèque de Sarajevo, Meriem Merzouki, chercheuse au CNRS et co-responsable du Comité des droits de l’homme au “Sommet Mondial de la Société de l’information” ainsi que Daniel Pimienta, ancien d’IBM et président de FUNREDES (Fondation Réseaux et Développement).

Maintenant le contenu des discours.

  1. Des beaux propos consensuels : les TIC, facteur de développement, leur maîtrise, condition pour échapper à la malédiction de la pauvreté … ainsi que notre cher concept de “fracture numérique”.
  2. Des propos non moins consensuels mais plus riches : les bibliothèques doivent jouer un rôle essentiel dans l’établissement de réseaux, faciliter l’accès à la culture à des populations vulnérables. Elles sont souvent le seul endroit où des nombreuses personnes peuvent accéder à l’information,y compris à Internet. Les bibliothèques doivent se transformer (ici cliché) “d’entrêpots passifs de connaissances” en “Centres dynamiques de projection / émission culturelle” et jouer un rôle d’Infomédiation.
  3. Suite du précédent : Bibliothèques doivent devenir “Centres multifonctionnels d’apprentissage permanent”, dans les processus d’apprentissage aussi bien formel qu’informel.
  4. Des questions / réflexions aguisées et pertinentes : Nos définitions / concepts actuels de “bibliothèque”, de ce qu’une bibliothèque est, sont-ils pertinents pour l’avenir? Ne brident-ils pas notre imagination créative? Quel est le vrai rôle médiateur du bibliothécaire? (Enseignant, assistant social, où sont les limites?). Quel modèle de bibliothèque veulent les professionnels ID, lequel veulent les politiques?
  5. Des propos riches et moins consensuels : a)Contestation du mythe des TIC miraculeuses en soi ; elles peuvent aussi devenir facteur d’exclusion (critique des postures technocratiques). b)L’importance de la terminologie dans notre vision de la réalité et le conditionnement de notre action. Au lieu de “Société de l’information” ou “Société de la connaisance” (termes creux en soi), “Société des savoirs partagés”. Et critique de la notion de connaissance en soi comme source automatique de richesses.
  6. Suite du précédent : c) On devrait parler de “fractures numériques” au pluriel, car ils en existe plusieurs et dues à des facteurs divers. d) La “neutralité technologique” n’existe pas. e) Scoop : la présence del ‘anglais sur le net diminue, arrive à saturation, les chiffres lui donnant 80% de présence sont tendencieuses. (l’ONG FUNREDES a développé une méthodologie et un outil d’analyse de la présence linguistique sur la toile).

De multiples expériences et lieux furent racontées dont :

  1. la Bibliothèque Virtuelle Cervantes, page web littéraire la plus visitée en Espagnol et respectueuse absolue des standards du W3C, y compris pour ce qui touche à l’accessibilité, (ils vont jusqu’à l’extrême des proposer des vidéos de poèmes classiques en langage de signes).
  2. Des bibliothèques multiculturelles en Andalousie où, avant d’établir la politique de collection et les achats, on fait des études démographiques et statistiques en tenant compte de : origine, âge et sexe entre autres des habitants des communes où se trouvent les différentes bibliothèques afin d’adapter le mieux possible l’offre aux besoins.
  3. Réseau des bibliothèques des femmes de l’état espagnol
  4. Projets pour permettre aux Marocains la publication des contenus locaux sur le web en s’appuyant sur des logiciels libres, tels que SPIP (ONG Tanmia, entre autres).
  5. Le nouveau projet de numérisation de la bibliothèque nationale de France.
  6. La bibliothèque de Tombouctou et le fonds Kati (mais à celle-ci nous lui consacrerons un petit article à part)
  7. Etc…dont un témoignage avec preuve visuelle (film) de la censure appliquée sur Internet à Tunis pendant le Sommet Mondial de l’information

Ceci est juste un aperçu, un bric-à-brac à chaud d’une rencontre aussi riche que bien organisée. Un compte rendu détaillé et mieux structuré apparaîtra probablement dans la Revue électronique suisse en sciences de l’info. Ou bien ici. Maintenant il faut digérer la masse d’information, réfléchir et …essayer d’agir.

Séminaire à Séville (1). La ville

Ajoutez un commentaire 7 mai 2006

Séminaire international “La société de l’information dans la coopération au développement : un nouveau défi pour les bibliothèques et leurs professionnels”. Séville, 4 et 5 mai 2006.

Vierge des bons livres (Séville). BenideDe retour de Séville, après deux jours riches en rencontres et idées. Un survol du séminaire lui même viendra dans un autre billet. Parlons d’abord de Séville, ville lumineuse, carrefour de cultures (chrétienne, juive, musulmane). C’est logique que on y trouve la Fundacion Tres Culturas (Fondation Trois Cultures), institution organisatrice et hôte du Séminaire. Mais on y trouve aussi, dans cette capitale de l’Andalousie, un mélange de tradition et modernité, de dévotion religieuse et d’esprit de fête, de rigueur et détente.

Séville est coupée en deux par le fleuve Guadalquivir aux eaux paisibles, qui a par endroits des allures de Gange. Des rameurs et rameuses s’y entraînent à l’aviron, des poissons s’y sentent à l’aise - les pêcheurs sont ailleurs. Je le traversais chaque jour pendant la durée du séminaire, celui-ci ayant lieu dans la Isla de la Cartuja (île de la Chartreuse). Au XVIIème, des processions menant des hérétiques au bûcher le traversaient aussi, et des curieux affamés de spectacle les regardaient depuis des barques.

Ville d’inquisition, de livres brûlés, de livres écrits et de livres lus. Presque autant d’églises et couvents que de bistrots. Des “patios” qui demeurent dans le souvenir du poète Machado. Une jeune vendeuse de chorizo lit passionnément le Siddharta de Hesse entre deux clients. Une bibliothécaire-documentaliste aux allures de danseuse de flamenco coordonne de manière impeccable un séminaire international sur les bibliothèques. Une librairie spécialisée dans l’histoire, Céfiro, est une caverne magique, où il sufit de demander pour qu’un livre, si improbable fut-il, apparaisse. Elle se trouve dans une rue consacrée à la Vierge, comme tant de rues à Séville. Mais cette vierge (voir image ci-dessus) à un nom particulier. Tentative de conciliation entre foi et amour de la littérature, ou personnalisation adoucie de l’Index, elle s’appelle “Nuestra señora de los buenos libros” (Notre dame des bons livres).

A suivre…

Salon du livre : le triomphe de l’esprit

2 comments 1 mai 2006

esprit sonnant et trébuchant. BenideEntendu devant le stand de la Télévision Suisse Romande : “Chaque fois que j’entends le mot culture, je sors mon portemonnaie”. Ce “mot d’esprit” m’a mené à me reposer la question, tant de fois ruminée: pourquoi va-t-on au salon du livre? La réponse est protéiforme, comme ceux qui y vont. On trouve à Palexpo un côté mondain (le mot “salon” n’est pas gratuit), un côté bazar, un côté parc d’attractions et un côté rempart contre le vide.

Dans le salon les enfants jouent (et parfois regardent, écoutent, lisent). Les réfractaires aux librairies mais lecteurs malgré tout font des emplettes (ou devrons nous dire : font le plein?). Les curieux vont voir ces éditeurs suisses qui s’exposent - dans tous les sens du terme: il y a les outsiders, comme Xénia, les reconnus mais toujours sur le fil du rasoir comme Campiche, ceux aux épaules (financières) plus solides comme Zoé.

Il y a aussi les amateurs éclairés des conférences et du plaisir subtil de manger une saucisse à la moutarde avant de feuilleter -avec ces mêmes mains - les enluminures des éditions Moleiro (ceux-là n’ont pas peur de l’enfer). On y trouve de tout, au salon du livre.

On traverse des stands où les gens se bousculent, on entends des bribes de légendes africaines et des cris d’angoisse : “comment faire pour survivre dans ce marché impitoyable du livre”. A la fin on sort avec des livres (même si pas moins chers et même si on aime les librairies). On a croisé des gens, on a été harcélés par des marchands du temple, on a fait une ou deux découvertes. On sort respirer à nouveau un air sans poussière de culture…et on se dit qu’on devrait peut-être y revenir.

Bibliothèques indépendantes à Cuba : une vision objective?

Ajoutez un commentaire 28 avril 2006

danger de mort, interdit de toucher aux lignes. Par BenideIl y a quelque temps, une bibliothécaire lança sur une liste de diffusion un article consacré aux bibliothèques indépendantes à Cuba. Je ne m’étendrai pas sur l’auteur de celui-ci, S.Lamrani, “spécialiste” de Cuba mais pas des bibliothèques. Ce qui est intéressant à mon avis, ce sont les deux visions du rôle des bibliothèques, mais plus amplement du droit et de l’accès à l’information, indépendamment du contenu.

D’une part il y a ceux qui pensent que tout le monde doit avoir accès à tout type d’information et de littérature, d’une autre ceux qui considèrent d’abord la “sécurité nationale”, la “stabilité de l’état” même si ce n’est pas le leur. Encore plus étrange quand ceux qui prônent la liberté tournent casaque s’agissant d’un pays en particulier, et applaudissent ce qu’ils n’accepteraient pas chez eux. Ceci va pour les deux “experts” de l’ALA qui ont visité 2 bibliothèques indépendantes à l’orient du pays et ont par la suite formulé un jugement général.

Il est vrai, la plupart des responsables des bibliothèques indépendantes n’ont pas un diplôme de bibliothécaire (ils ne pourraient pas être membres de l’AGBD, par exemple). Ceci invalide leurs compétences en gestion, leur culture générale? On y trouve des psychologes, des ingénieurs, des docteurs en économie (un peu comme les responsables suprêmes de certaines de nos bibliothèques). On y trouve aussi des personnes moins compétentes, il est certain. C’est vrai, parmi les plus de 80 bibliothèques indépendantes de Cuba, il y en qui donnent à la (douteuse) politique une plus grande place de ce qu’elles devraient. Cela bannit le travail de diffusion de autres, qui donnent l’accès à des écrivains qu’on ne trouve pas dans les “vraies” bibliothèques (ou bien accessibles seulement à ceux qui possèdent une autorisation spéciale)? Exemples parmi d’autres: Milan Kundera, Vaclav Havel, Zoe Valdés (quoique cette dernière…). Pour éviter des confusions : les bibliothécaires cubains diplômés et officiels sont en général très compétent-e-s. Mais ils n’habitent pas sur la lune.

Pour parler des dénommées bibliothèques indépendantes il faudrait les situer dans une perspective historique et discerner leur rôle, au délà du clivage “bonne ou vraie” bibliothèque et “fausse bibliothèque”. Il faudrait, par exemple, faire un rapprochement avec les cabinets et sociétés de lecture qui poussaient comme des champignons au XVIII et XIX siècles en Europe (en en France en particulier). Comment étaient-ils perçus? Je me permets cette citation:

Il était facile alors de franchir le pas séparant le cabinet d’un lieu dangereux à surveiller. Le préfet de police Delavau ne s’y était pas trompé, qui affirmait dans un rapport au ministre de l’intérieur : « Les cabinets de lecture tendent également à populariser la lecture d’ouvrages les plus propres à corrompre le cœur et à pervertir l’esprit ». [F. Saby sur le livre de Françoise Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac: les cabinets de lecture à Paris 1815-1830,Paris, Ed de l’ecole des hautes études en sciences sociales, 1999]

Le rapport du Préfet Delavau était daté du 26 mars 1826. Il aurait pu l’être dans une jolie ville des Caraïbes en 2006.

Mais soyons objectifs, menons une démarche “scientifique” :

  1. Puisque l’adresse de l’article contre les bibliothèques indépendantes a été, en tout droit, diffusée, voici l’adresse du site des bibliothèques indépendantes : http://www.bibliocuba.org. Noms, mission, adresses.
  2. Pour ceux qui qui voudraient se conforter dans leur dénigrement, l’adresse du journal officiel du parti : http://www.granma.cu.

Et, pour finir, pourquoi ne pas organiser un voyage d’étude (la contrée est magnifique)? On apporterait quelques cartons des livres, dont une vingtaine d’auteurs “non recommandables”. Je parle de vrais auteurs, pas de mauvais pamphletistes de quelque bord que ce soit (moi y compris). On amènerait les cartons à double : on offrirait la moitié à des bibliothèques d’état, et l’autre, son miroir, à des bibliothèques indépendantes. On retourerait au bout d’un an (la contrée est magnifique), et on verrait combien de ces livres restent en libre accès (et ici je veux dire accessibles à tous) dans les unes et les autres. Pourvu que “les autres” soient encore là.

Bonne soirée.

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