Archives du mois : juin 2007

Le 2 qui cache le 0. Suite

Ajoutez un commentaire 30 juin 2007

Interpassivité et construction des savoirs

ballon 2.0“De nos jours, la civilisation fait décroitre le ressort qui possède chaque corps, en proposant un mode de vie artificiel[…]et même des moyens de déplacement qui ne demandent plus aucun effort. Il y a là un très grand danger, car tous ces artifices entravent l’évolution de l’homme et le font régresser de l’activité à la passivité.
La véritable aide spirituelle signifie donner le ressort aux êtres”
T. Deshimaru, Maître Zen

Dans un blog francophone, il était de question de lecture papier “passive” , en opposition avec la lecture hypertextuelle à l’écran, dite “active”. Une telle affirmation, dont la légèreté conceptuelle est évidente, laisse transparaître une vision du monde et, à travers ses trous, passer ‘l’air du temps’.

Arrêtons nous à la lecture “passive et “active”. Mais juste pour signaler qu’il ne faut pas confondre acte et médium, en d’autres termes, qu’il serait trop léger de confondre passivité du support et passivité du cerveau. Le lecteur que l’écrivain Julio Cortázar a défini - d’une manière trop machiste à mon goût - comme “lecteur femelle” entrerait en effet dans la catégorie du paresseux du papier, qui suit le rythme imposé par les pages avec nonchalance. L’autre, le lecteur dit “mâle” - idem pour le machsime porteño - serait, lui, maître du parcours de lecture, prêt au jeu des relations et de la multiplicité des sens. Ce qui est évident (un lieu presque commun en somme) c’est que ce comportement, car c’est de comportement qu’on parle, se répercute dans la manière d’approcher le Web. Ce n’est pas parce que l’interactivé des liens et des échanges s’offre à nous que nous sommes davantage maîtres des parcours de lecture et possédons davantage de sens critique. Au contraire, l’illusion de la diversité et de “je clique dont je suis” risque de ramollir l’investissement personnel conscient, laissant se diluer le raisonement et la distance critique dans le feu d’artifice de l’outil et des possibilités.

Ce qui est bien pire, pourtant, c’est la connotation péjorative du mot et du concept de “passivité”, en tant qu’espace propre à l’épanouissement de la réflexion et de la subjectivité.

Slavo Zizek, philosophe slovène, a élaboré le concept d’interpassivité,dont je transposerai ensuite partiellement le sens. Il dit “[…]les machines digitales nous privent de la dimension passive de notre vécu : elles sont passives pour nous’”. Et encore “la matrice fondamentale de l’interpassivité découle du concept même de sujet envisagé comme pure activité de (se) poser (soi-même), comme fluidité du pur devenir, vidé de toute positivité ontologique stable” « Le sujet interpassif », in : La subjectivité à venir. Essais critiques sur la voix obscène, trad. François Théron, Castelnau-le-Lez, Editions Climats, 2004. Ainsi les “web2seurs”, dans leur activité irréfrenable de participation, intéraction, échange et citation mutuelle, récréent une activité de surface qui peut annuler la distance statique nécessaire. L’activité et la visibilité deviennent synonyme d’action ( et interpassivité d’interactivité) : la bibliothèque peut, dans ce tourbillon, devenir gadget - et le bibliothécaire avec. Ce n’est pas mauvais en soi, si ça diminue le temps d’accès aux savoirs et augmente la fréquentation, soit-elle virtuelle, et de ce fait ‘l’attention’ budgétaire. Mais il faut garder la distance critique, ne pas se laisser aller à l’hystérie technologique et avoir bien différenciés dans la tête les fins et les moyens, ces derniers étant secondaires par rapport aux premières. Et accrocher, dans un coin de sa chambre ou de son cerveau, une reproduction du “Informed man” de J. Nechvatal, où l’humanité de l’être se dissout sous le flux informatif mais aussi, laissons nous aller à l’interprétation, sous l’avalanche joyeuse (et marécageuse) du Web dit social.

Le 2 qui cache le 0

Ajoutez un commentaire 16 juin 2007

1-TIC et toc. Pixels en salade

un portable qui raconte des salades. Par BenideLe virtuothécaire se leve de bonne heure. « De bonne heure » est ici une convention, car le jour dans son monde de bytes & pixels a des frontières élastiques. En allant vers sa Virtuothèque, il a le temps de regarder ses fils rss et de poster sur son blog son profond message matinal « Une journée commence. Je suis obsédé par l’interaction ».

Les dernières photos postées sur Flickr (son chat, des pissenlits, sa tarte au thon de la veille) et les dernières vidéos (lui-même en train de se filmer) sur YouTube, il peut enfin se consacrer, en attendant l’arrivée improbable du (ou de la) premier lecteur physique, à lire les opinions des lecteurs virtuels sur les dernières acquisitions et leurs votes sur celles-ci, censés orienter le prochain (cette fonctionnalité a fait entrer enfin sa bi … sa Virtuothèque dans le siècle nouveau).

Extrait concernant la dernière édition poche de « Le rouge et le noir ». :

-Jeanne intello : livre magnifique, jusqu’où va l’ambition? Sujet d’actualité. Julien Sorel je t’aime. Hautement recommandable
-Lapin de pâques : Nul à chier! C’est kwa se provintial ki veut réussire? Genre gigolo tormenté de mes deux. Préfèrre un bon polard.
-Le creuseur : Rouge, noir. Ces couleurs m’obsèdent. Pourquoi rouge, pourquoi noir? vie et mort, église ou armée sang ou bile? et pourquoi « et »? Pourquoi pas « Le rouge OU le noir? EXCLUSION OU COMPLÉMENT? Ma raison vacille. Pas pour âmes sensibles ni pour cerveaux ramollis.
-Couledouce : Franchement, l’autre jour j’ai vu un film de Costa Gavras, je me souviens plus du nom. Rapport avec la presse. Et cet accusé qui se suicide en plein tribunal (lu dans la presse), pas de contrôle malgré le ton sécuritaire…pourquoi je parle de ça?…ah oui, le meurtre de Madame…comment déjà?
-Le Didactos : Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle (23 janvier 1783, Grenoble - 23 mars 1842, Paris). Pour bien l’apprécier, le mettre en contexte avec la Chartreuse de Parme (rien à voir avec le jambon – pour les rigolos de service). Soyez critiques. Méfiez-vous de Wikipédia.
-Le concis : Bof!

Note finale (à ce jour) : 3.5 sur 10

Intéressant, se dit le virtuothécaire, qui attaque – la pause est arrivée – son incursion dans MySpace. D’autres friends virtuothécaires y ont laissé leurs empreintes fraîches de la matinée, il est temps de faire de même.

Le plaisir est interrompu par l’arrivée d’un être humain. La puce RFID de sa carte de lecteur sous-cutanée indique : sexe : féminin depuis 2006, préférences : spaghetti à la bolognaise, Almodóvar, couchers de soleil en automne, MacOS (Léopard), animal préféré – idem. Derniers ouvrages empruntés : Un amour de Swann, Rouge Brésil, L’Oeuvre au Noir, Le diable en robe bleue. Dernier aliment consommé – il y a une heure : un verre de Beaujolais. Le logiciel de suggestion sémantique processe les données. Une voix douce murmure depuis l’étagère: “Bonjour Mon…Madame Lecaubaïe- aujourd’hui on vous suggère d’emprunter Le rouge et le noir “.

….perdu dans l’hypertextualité (quel stimulus pour ses neurones avides – la sérendipité l’a mené au blog d’un homonyme, ô surprise! … ah non, zut, c’était lui-même) et le contrôle de l’aggregateur de fils rss de la Virtuothèque, il n’a pas vu le temps passer. La journée est finie – et fut ardue. Il est temps de se plonger dans Second Life.

…à suivre


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